Des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv expliquent comment se forment les nuées de criquets dévastateurs

Qu'est-ce qui fait que des insectes solitaires et inoffensifs s’agglomèrent en nuées dévastatrices s’abattant sur les cultures, constituant l’une des principales causes de famine dans le monde depuis les temps bibliques ? D’après une étude, réalisée sous la direction du Prof. Amir Ayali de l’Ecole de zoologie de l’Université de Tel-Aviv, par le doctorant Omer Lavy, lorsqu’une sauterelle isolée rejoint un groupe, son microbiome intestinal subit un changement profond qui influence son comportement grégaire. Selon les chercheurs, cette explication pourrait contribuer au développement d’une solution à cette plaie qui affecte des millions de personnes dans le monde.

Criquet nuéeOnt collaboré à l’étude les Prof. Lilach Hadany, Ohad Lewin-Epstein et Yonatan Bendett de l'École des sciences végétales et de sécurité alimentaire de l’Université de Tel-Aviv, le Prof. Uri Gophna de l'École de biomédecine et de recherche sur le cancer, et le Dr. Eran Gefen de l'Université de Haïfa-Oranim. Elle a été récemment publiée dans la revue Environmental Microbiology.

Poussés par leur microbiome intestinal

 « Les essaims de sauterelles qui déciment les cultures sur leur passage sont l’une des causes majeures de famine dans le monde depuis les temps bibliques jusqu'à nos jours. Au cours des trois dernières années, de larges parties de l'Afrique, de l'Inde et du Pakistan ont été durement touchées par les invasions de sauterelles. Le changement climatique devrait encore aggraver le problème », explique le Prof. Ayali. « Ces nuées d’insectes se forment lorsque les criquets qui vivent généralement solitaires, se regroupent et commencent à migrer. Cependant, les causes de ce comportement restent largement inconnues et l’homme est encore impuissant face à ce phénomène. Des études récentes indiquent que les microbiomes, c’est-à-dire l’ensemble des microbes de l’organisme, peuvent influencer le comportement en général, et en particulier le comportement social des hôtes qui les hébergent, notamment chez les insectes. Nous avons émis l'hypothèse que le microbiome intestinal des criquets pourrait jouer un rôle dans leur comportement d'agrégation en essaim ».

Dans l'intérêt de la bactérie

Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont examiné les microbiomes intestinaux de 200 criquets du désert élevés en laboratoire, à partir de leurs excréments, et ont constaté uncriquets changement significatif lorsque les insectes sont élevés dans des conditions solitaires et quand ils rejoignent le groupe. « Le changement le plus significatif a été observé chez des bactéries appelées Weissella, presque totalement absentes du microbiome des criquets solitaires, qui sont devenues dominantes peu après que leurs hôtes aient rejoint le groupe », explique Omer Lavy.

Les chercheurs ont ensuite développé un modèle mathématique, qui a montré que le regroupement de l’essaim produisait un avantage évolutif significatif pour ce microbe, en lui permettant de se propager à de contaminer de nombreux autres criquets. Sur la base de ces résultats, les chercheurs émettent l'hypothèse que la bactérie Weissella pourrait jouer un rôle important dans le comportement d'agrégation des criquets. En d'autres termes, il est possible que ces bactéries incitent leurs hôtes à changer de comportement et à devenir plus « sociables ».

« Notre étude contribue à la compréhension du phénomène de l’essaimage des criquet en nuées qui constitue l’une des principales causes de famine dans le monde de l'Antiquité à nos jours », conclut le Prof. Ayali. « Elle montre un changement significatif de la composition du microbiome intestinal des criquets lorsqu’ils passent d’un état solitaire à un état grégaire. Le changement principal réside dans la multiplication de la bactérie Weisella, pratiquement absente du microbiome des criquets isolés, mais qui devient dominante lorsqu’il rejoint le groupe. Nous avons également construit un modèle mathématique prouvant que la bactérie a « intérêt », sur le plan de l’évolution, à ce que le criquet qui l’héberge rejoignent le groupe. Nos résultats ne prouvent pas que cette bactérie est responsable de l'essaimage et de la migration des criquets, donc de la formation de la nuée, mais elle suggère une forte probabilité qu’elle joue un rôle important dans le phénomène, hypothèse nouvelle qui n’a jamais été proposée auparavant. Nous espérons que cette nouvelle explication conduira au développement de nouveaux moyens de lutte contre les invasions des nuées de criquets, qui constituent encore une menace majeure pour d'innombrables personnes, animaux et plantes partout dans le monde ».

 

Photos:

1. Nuée de criquets (Crédit: Prof. Amir Ayali)

2. Criquets mâle et femelle (Crédit: Keren Levi)

 

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