Une équipe de chercheurs sous la direction du Prof. Galit Yovel, de l'Ecole de psychologie et de l'Ecole des neurosciences de l'Université de Tel-Aviv a mis au point une méthode d'entrainement pour identifier les visages, basée sur l'étude des processus qui se produisent dans le cerveau lorsque nous apercevons un faciès. Il s'avère que si nous avons du mal à distinguer entre des visages asiatiques, c'est tout simplement parce que notre cerveau n'a pas l'habitude de le faire.
"La reconnaissance faciale est une fonction de base du cerveau humain", explique le Prof. Galit Yovel, "Nous identifions des visages familiers dès notre plus tendre enfance, et apprenons à distinguer parmi des milliers de faces tout au long de notre vie. En outre, la différence entre les visages familiers et inconnus est très importante dans la façon dont nous percevons le monde. Lorsque nous voyons la figure d'une personne, nous traitons la représentation de manière globale: les divers éléments, cheveux, forme du nez, yeux etc. convergent ensemble en une seule image, à laquelle nous réagissons immédiatement: est-ce un visage familier ? Étranger? Aimé ? Repoussant? Chez une personne moyenne ce processus se déroule des dizaines de fois par jour, de sorte que le cerveau pratique un processus d'identification et de distinction entre les personnes".
D'où nous connaissons-nous ?
Les études sur la reconnaissance du visage menées au laboratoire du Prof. Yovel à l'Ecole de psychologie de l'Université de Tel-Aviv ont mis en évidence trois zones situées à l'arrière du cerveau (région responsable du traitement des images visuelles) qui réagissent très fortement à la vue d'un visage, et ont pu mettre lumière le processus par étapes par lequel nous l'identifions : la zone la plus en arrière identifie les détails (yeux, nez, bouche) en 100 millisecondes, puis, à la 170e ms, les deux centres plus à l'avant entrent en fonction et créent une image globale du visage. Il faut en tout entre 250 à 400 ms au cerveau pour détecter s'il s'agit d'un visage familier ou étranger.
En raison de l'absence d'exposition et d'interaction quotidienne, les Israéliens n'ont pas la nécessité de distinguer entre divers visages chinois, d'où la difficulté pour eux de les différencier. Le Prof. Yovel a mis au point une méthode d'entrainement pour identifier les visages et vérifié avec l'aide d'étudiants de son laboratoire, Michal Peleg, Eyal Mehudar et Jonathan Oron, s'il elle pouvait servir à '"enseigner" à des cerveaux d'Israéliens qui n'ont rencontré que très peu de Chinois dans leur vie à reconnaître des visages d'Asiatiques. Au cours de l'expérience les sujets ont été exposés à un petit nombre de visages chinois, dont chacun était identifié par leur nom, et donc présentés comme les visages de personnes individuelles distinctes. A la suite de l'entrainement, la capacité des participants à établir des distinctions entre les faciès asiatiques s'était améliorée. Pour savoir comment ce processus d'entrainement a changé la représentation des visages dans le cerveau des sujets, les étudiants ont comparé leurs réactions avant et après par la méthode de l'électroencéphalogramme, qui mesure l'activité électrique dans le cerveau et à l'aide d'un dispositif technologique permettant de suivre le mouvement des yeux, et sont arrivés à la conclusion que l'interaction personnelle et active avec un individu est un facteur essentiel dans le processus de reconnaissance faciale qui se produit dans le cerveau humain.
A qui est ce bébé?
L'expérience a été vérifiée sur une autre catégorie de visages qui nous paraissent également semblables les uns aux autres : ceux des nouveau-nés. La difficulté à les identifier est parfois telle que de nombreuses mères se rappellent avoir cherché leur bébé parmi les berceaux des salles néonatales, et ne l'ont identifié que grâce au nom sur l'étiquette. Lors d'une expérience menée en collaboration avec le Prof. Jonathan Goshen de l'École de psychologie, le Prof Yovel a tenté de déterminer ce qui pourrait aider le cerveau à distinguer entre les faces des nouveau-nés. Commençant par les infirmières des services de maternité, exposées quotidiennement à un grand nombre de nouveau-nés, ils ont trouvé à leur grande surprise que leur capacité à distinguer entre les petits patients ne dépassait pas celle de la plupart d'entre nous ! Lors de la phase suivante de l'étude des sujets ont eu pour instruction d'attribuer des noms individuels à un petit nombre de visages de nouveau-nés. Cette opération s'est avérée améliorer sensiblement leur capacité à distinguer entre les faces des nouveau-nés en général. Conclusion : là également, l'interaction individuelle est la clé de l'identification des distinctions faciales.