Le Prof. Gerardo Lederkremer de l’Ecole de biomédecine et de recherche sur le cancer de l’Université de Tel-Aviv, en collaboration avec le Prof. Nir Ben Tal de l’Ecole de neurologie, biochimie et biophysique et des étudiants de leurs laboratoires, ont décrypté un mécanisme majeur dans le fonctionnement d’une protéine responsable de la SLA. Selon les chercheurs, cette découverte aura des implications sur les approches thérapeutiques susceptibles d'atténuer l'énorme souffrance des patients atteints de cette maladie mortelle et incurable, ainsi que des diverses maladies neurodégénératives.
L'étude a été récemment publiée dans la prestigieuse revue Journal of Biological Chemistry.
La sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot est une maladie neurodégénérative incurable, qui affecte les nerfs du cerveau et de la moelle épinière, provoquant une paralysie progressive de l’ensemble de la musculature. Aux Etats-Unis et au canada, elle est souvent nommée la maladie de Lou Gehrig, du nom d’un joueur de baseball célèbre qui en est mort en 1941. Elle touche 150 000 personnes dans le monde et cause 1 200 décès par an.
Eclairer le fonctionnement de la protéine
Ses premiers symptômes incluent crampes, perte de force musculaire, et fonte musculaire (amyotrophie), la moitié des patients développant également une légère atteinte des fonctions cognitives et du comportement, et environ 15% une démence de type fronto-temporale. L’évolution de la maladie passe par la dégradation des neurones moteurs, entrainant la perte progressive des capacités de se nourrir, de parler et de bouger jusqu’à la paralysie totale, la mort étant généralement provoquée par insuffisance respiratoire.
Les chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont à présent décrypté les caractéristiques essentielles de la protéine dont le dysfonctionnement est à l’origine de la maladie.
Il s'agit du récepteur Sigma-1 (S1R), qui est une protéine transmembranaire jouant un rôle important dans la stabilisation du fonctionnement cellulaire, à la fois dans son état normal et pendant les maladies. Dans le cas des maladies neurodégénératives en particulier, il a été prouvé que l’activité de cette protéine a la capacité de protéger les cellules nerveuses en agissant sur leur interaction avec leur environnement (basée sur le mouvement des ions de calcium), en améliorant les fonctions mitochondriales (production d’énergie cellulaire) et en réduisant un stress cellulaire nocif causé par la maladie, appelé le stress du réticulum endoplasmique (ER).
Pourtant, bien que la S1R ait fait l’objet d’études poussées, certains de ses aspects fondamentaux restent controversés, notamment sa représentation moléculaire (topologie) et sa capacité ou son incapacité à atteindre la membrane cellulaire. La nouvelle étude du Prof. Gerardo Lederkremer tente de faire la lumière sur certaines de ces questions.
« Dans ce domaine, chaque pas si petit soit-il, constitue une avancée importante».
« Les protéines ont deux extrémités, un peu comme un aimant à deux pôles », explique le Prof. Lederkermer. « une extrémité est dite carboxyle (composé d’un atome de carbone, d’oxygène et d’hydrogène) et une extrémité aminée (composé d’un acide aminé). Dans l’un de nos essais, nous avons marqué par fluorescence l'extrémité carboxyle, et il s’est avéré que la protéine se trouvait disposée dans une certaine orientation sur les membranes internes de la cellule, l'extrémité aminée faisant face au cytoplasme. Dans un second test, nous avons marqué l'extrémité aminée et nous avons constaté que les deux options sont possibles avec une probabilité égale ».
Ces résultats constituent probablement une explication des contradictions qui existent dans la littérature scientifique concernant l’orientation privilégiée de la protéine, puisque le marquage lui-même a un impact sur la topologie du récepteur, c'est-à-dire que la mesure affecte l'observation. « Par conséquent », explique le Prof. Lederkremer, « nous avons testé d'autres méthodes, l’une appelée ‘test de protection de la protéase’ et l’autre ‘cartographie de glycosylation’, qui ont montré sans équivoque que le S1R a tendance à s’assembler de sorte que l'extrémité aminée soit face au cytoplasme. En outre, nous avons également constaté, par d'autres méthodes d'analyse, que la protéine est ancrée dans le réticulum endoplasmique (réseau de membranes internes de la cellule) et ne touche pratiquement pas la membrane extérieure de la cellule. Cette découverte explique comment la protéine fonctionne dans le cytoplasme et réduit le stress intra-cellulaire qui cause la maladie ».
Le Prof. Lederkermer est optimiste quant aux implications de ces nouvelles découvertes : « Nous avons déchiffré un mécanisme crucial pour le fonctionnement de la protéine réceptrice et nous n'avons aucun doute que nos découvertes pourront avoir des implications sur les approches thérapeutiques basées sur cette protéine», dit-il. « Nous espérons ainsi atténuer l'énorme souffrance des patients atteints des diverses maladies neurodégénératives, et en particulier la SLA. Dans ce domaine, chaque pas si petit soit-il, constitue une avancée importante».
Photos:
1. Le Prof. Gerardo Lederkremer
2. Schéma du fonctionnement de la protéine Sigma1 dans la cellule
3. Le Prof. Nir Ben Tal
(Crédit: Université de Tel-Aviv)