Sciences Humaines et Sociales

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Les archéologues de l’Université de Tel-Aviv révèlent la plus ancienne preuve d'utilisation d'opium dans le monde

Une étude menée par la doctorante Vanessa Linares, sous la direction des Prof. Oded Lipschitz et Yuval Gadot du Département d'archéologie de l'Université de Tel-Aviv, et du Prof. Ronny Neumann de l’Institut Weizmann des sciences, sur des poteries du 14e siècle avant JC. trouvées lors de fouilles de l’Autorité des Antiquités d’Israël à Tel Yehud, a révélé les premières preuves connues dans le monde de l'utilisation de l’opium et des drogues psychoactives en général. Selon les chercheurs, les Cananéens vivant sur le site utilisaient cette drogue hallucinogène pour le culte des morts. La découverte passionnante confirme les hypothèses selon lesquelles l'opium et son commerce ont joué un rôle central dans les cultures du Proche-Orient.

OpiumL’étude, réalisée en collaboration avec le Dr. Ron Be’eri et Eriola Jakoel de l’Autorité des Antiquités d’Israël, a été publiée dans la revue Archaeometry.

En 2017, l'Autorité des Antiquités d’Israël a mené des fouilles préventives sur le site archéologique de Tel Yehud, avant la construction de maisons. Plusieurs tombes cananéennes de l'âge du bronze tardif ont été découvertes lors de ces fouilles, avec à leurs côtés des offrandes funéraires, objets destinés à accompagner les morts dans l'au-delà. Parmi les poteries trouvées, se distinguait un grand groupe de récipients fabriqués à Chypre, connus sous le nom de « vases à base annulaire ».

Aider l'esprit du mort à "s'élever de la tombe"

Ces vases présentant une forme qui rappelle une fleur de pavot fermée et à l'envers, l’hypothèse a été formée dès le 19ème siècle, qu'ils étaient utilisés comme récipients pour des rituels utilisant de l’opium. Et effectivement, l’analyse des résidus organiques a révélé des résidus d'opium dans huit de ces poteries, certaines locales et d'autres fabriquées à Chypre. C’est la première fois que de l'opium a été retrouvé dans des poteries en general et dans des poteries de type « base annulaire » en particulier, et la plus ancienne preuve de l'utilisation de drogues hallucinogènes au Moyen-Orient.

Opium 2L’étude est le résultat d'une initiative conjointe du Dr. Ron Be’eri et d’Eriola Jakoel de l’Autorité des Antiquités d’Israël, et du Dr. Vanessa Linaris, alors doctorante, de l'Université de Tel-Aviv. « Dans les fouilles menées jusqu'à présent à Tel Yehud, des centaines de tombes cananéennes datant du 18è au 13e siècles av. JC. ont été excavées », relève le Dr. Be’eri. « Les personnes enterrées étaient pour la plupart des adultes des deux sexes, à qui on avait rendu honneur avec de la nourriture et des boissons placées pour eux dans des poteries à l'intérieur de la tombe, qui leur étaient servies après l'enterrement sous forme d'offrandes et de sacrifices, ou mangées en leur honneur lors d'un repas des proches parents sur la tombe, auquel le défunt était considéré comme un participant.

Il est possible que, lors de ces cérémonies, les membres de la famille aient fait « remonter » l'esprit de leurs proches décédés hors de la tombe pour exprimer une demande, et que les participants à la cérémonie magique, qu'elle ait été menée par les membres de la famille ou par un prêtre en leur nom, entraient dans un état d'extase par la consommation d'opium. Alternativement, il est possible que l'opium, qui était placé à côté de l'inhumé, ait été destiné à « aider l'esprit du mort à s'élever de la tombe » en préparation de la rencontre tant attendue avec ses proches dans la vie future ».

Les nouvelles capactités des sciences archéologiques

« C'est la seule drogue psychoactive retrouvée au Levant à l'âge du bronze tardif », explique Vanessa Linares, de l’Université de Tel-Aviv. « En 2020, des chercheurs ont découvert des restes de cannabis sur un autel à Tel Arad, mais c'est déjà à l'âge du fer, des centaines d'années après l'opium de Tel Yehud. Cette découverte d'opium sur un lieu de sépulture nous donne un rare aperçu des coutumes funéraires du monde antique. Nous ne savons évidemmant pas quel était le rôle de l'opium dans la cérémonie, si les Cananéens de Yehud pensaient que les morts en auraient besoin dans l'au-delà, ou si ce sont les prêtres qui consommaient la drogue pour les besoins du rituel. De plus, la découverte éclaire l’énorme importance du commerce de l'opium, et du commerce en général à cette époque. Il faut rappeler que l'opium est produit à partir de fleurs de pavot, qui poussent en Asie Mineure, c'est-à-dire sur le territoire de la Turquie actuelle, alors que les poteries dans lesquelles on a identifié l'opium on été fabriquées à Chypre. En d’autres termes, l’opium a été importé vers Yehud de Turquie, en passant par Chypre, ce qui indique bien sûr l'importance accordée à cette drogue ».

Ron Beeri« Jusqu'à présent, aucune source écrite décrivant l'utilisation exacte des substances narcotiques dans les cérémonies funéraires n'a été découverte ; nous ne pouvons donc que spéculer sur ce qui était fait de cet opium », ajoute le Dr. Be’eri. « Mais d'après des documents retrouvés dans l'ancien Moyen-Orient, il semble que les Cananéens attachaient une grande importance à « satisfaire les besoins des morts » par le biais de cérémonies rituelles exécutées pour eux par les vivants, et croyaient qu'en retour leurs « esprits » veillaient sur la santé et la sécurité de leurs proches vivants ».

Selon le Directeur Général de l’Autorité des Antiquités d’Israël, Eli Eskosido, « Les nouvelles capacités de la science nous ouvrent une fenêtre sur des informations fascinantes et nous fournissent des réponses à des questions que nous n'aurions jamais rêvé de trouver dans le passé. On ne peut qu'imaginer quelles autres informations nous pourrons extraire des découvertes qui émergeront du sol dans l'avenir ».

 

Photos:

  1. A gauche : Tombe cananéenne, découverte lors des fouilles de l'Autorité des Antiquités d’Israël à Yehud, contenant un ensemble d'offrandes et de sacrifices servis à la personne enterrée par ses proches pendant la cérémonie d'enterrement ou après celle-ci. Au pied de la personne enterrée était placé une cruche recouverte d'une coupelle. La cruche était destinée à être utilisée lors des cérémonies tenues par les proches sur la tombe. Adjacent au squelette se trouve un rassemblement d’objets destinés à servir le défunt après sa mort. (Crédit :Assaf Peretz, IAA). Au centre : Vanessa Linares, Département d'archéologie, Université de Tel Aviv (Crédit : Université de Tel-Aviv). A droite : Un des vases dans lequel a été retrouvé des restes d’opium. Il est possible que le corps du vase représente la fleur de pavot récoltée (Crédit : Clara Amit, IAA)
  1. Cruches posées sur le corps du mort, contenant des restes d’opium (Crédit : Assaf Peretz, IAA)
  1. Le Dr. Ron Be’eri (Crédit : Yaniv Bermann, IAA)

 

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