Une étude menée par le Dr. Dafna Langgut du Département d'archéologie et du Musée d’histoire naturelle Steinhardt de l'Université de Tel-Aviv, révèle pour la première fois avec une précision élevée, les caractéristiques du climat en Israël à la fin de la dernière glaciation, il y a 10 à 20 0000 ans, à partir de vestiges de plantes, et son influence sur la transition de tribus de chasseurs-cueilleurs nomades vers des communautés sédentaires d’agriculteurs. Selon les chercheurs, l’étude, qui fournit pour la première fois, des informations sur l'histoire de la végétation dans la région et sa réaction aux changements climatiques passés, pourra aider à préserver la diversité des espèces végétales et à se préparer aux défis climatiques présents et futurs.
La recherche innovante, à laquelle ont également participé le Prof. Gonen Sharon, responsable du programme de maîtrise d’études de la Galilée du Collège d’enseignement supérieur Tel-Haï, et le Dr. Rashid Shadadi, expert en évolution et études de l’ancien climat de l’Université Montpellier (CNRS-UM-IRD), a été récemment publiée dans la prestigieuse revue Quaternary Science Reviews.
La crise climatique qui a fait progresser l'humanité
L'étude a été réalisée sur le site archéologique Jourdain-Dureijat, situé sur la rive orientale du Jourdain, en bordure de l'ancien lac du Houla. La spécificité de ce site réside dans les conditions de conservation exceptionnelles qui se sont créées dans ses strates, à partir desquelles on peut en apprendre davantage sur les activités de ses anciens habitants, qui vivaient principalement de la pêche, et identifier les plantes qui poussaient à cette période (il y a 10 à 20 000 ans) dans la vallée du Houla et ses environs.
Deux processus majeurs de l'histoire du monde se sont alors déroulés simultanément : la transition de tribus nomades à des communautés sédentaires, et un changement climatique dramatique. « En préhistoire, cette période est appelée la période épipaléolithique », explique le Prof. Sharon, qui dirige les fouilles sur le site. « Au début, les humains vivaient en petits groupes de chasseurs-cueilleurs qui parcouraient la région. Puis, il y a environ 15 000 ans, nous sommes témoin d’un changement significatif dans leur mode de vie : la mise en place des premières expériences de sédentarisation et des premiers villages, ainsi que d'autres processus critiques qui culminent à la période suivante, le néolithique, au cours de laquelle se produit le changement le plus significatif de l'histoire humaine : la transition vers un mode de vie agricole qui modelé le monde tel que nous le connaissons aujourd'hui ».
« Le deuxième processus dramatique de cette période réside dans le changement climatique qui s'opèrent dans notre région », ajoute le Dr. Langgut, archéologue-botaniste spécialisée dans l'identification des vestiges végétaux. « Bien que pendant la dernière période glaciaire, Israël n’ait pas été recouverte d’une enveloppe de glace comme ce fut le cas dans d’autres région du monde, les conditions climatiques étaient cependant différentes de celles que nous connaissons aujourd'hui. Les caractéristiques exactes de ce climat dans la région n'étaient pas claires jusqu'à cette étude. Le modèle climatique que nous avons construit sur la base de la reconstitution des fluctuations de la propagation des espèces végétales indique que le changement climatique dans la région s'est traduit essentiellement par une baisse de la température (jusqu'à 5 degrés Celsius de moins qu’aujourd’hui), les quantités de précipitations étant similaires à celles que nous connaissons (moindre de 50 mm environ de la moyenne annuelle).
Des pluies d'été
Cependant, explique le Dr Langgut, 5 000 ans plus tard au cours de la période épipaléolithique, (il y a environ 15 000 ans), le modèle montre une amélioration significative des conditions climatiques, la montée des températures et l’augmentation des précipitations, attestée par la présence accrue d’espèces végétales ayant besoin de chaleur, comme les oliviers, le chêne des garrigues et le pistachier. Au cours de cette période, les premiers sites de la culture natoufienne apparaissent dans la région. Il est fort possible que le climat favorable ait contribué au développement et à la prospérité de cette culture, caractérisée par les premières expériences de sédentarisation dans le monde, avec des bâtiments en pierre, des dispositifs de stockage de nourriture et bien d'autres apparaissant pour la première fois sur la scène mondiale.
La seconde partie de l'étude portait sur la fin de la période épipaléolithique, il y a environ 11 à 12 000 ans, connue sous le nom de « Dryas récent », ultime oscillation froide de la dernière période glaciaire, période caractérisée par un retour à un climat froid et sec, qui provoqua une sorte de crise climatique partout dans le monde. Selon les chercheurs, jusqu'à cette étude, on ne savait pas si cette période s’était exprimée dans la région et comment.
« Les résultats du modèle montrent que la période a été caractérisée dans la région par une instabilité climatique, de nombreuses fluctuations et une baisse importante des températures », expliquent les chercheurs. « Cependant, un phénomène surprenant a été observé dans la reconstitution des précipitations : la quantité de pluie moyenne reconstituée était à peine moindre que celle d’aujourd’hui, mais elle était disséminée tout au long de l’année, y compris des pluies d’été ».
Se préparer aux défis climatiques présents et futurs
Selon les chercheurs, une telle dispersion des précipitations a contribué à l'expansion et à la prospérité des espèces de plantes annuelles et herbacées. Les cueilleurs qui vivaient à cette époque se trouvaient désormais en présence d’une grande variété de plantes disponibles qui pouvaient être récoltées tout au long de l'année. Cette diversité leur a permis d’acquérir une connaissance poussée des plantes, juste avant la période de leur domestication. Ainsi les résultats de l’étude contribuent-ils à une nouvelle compréhension des changements environnementaux à la veille de la transition vers l'agriculture, la domestication et l’élevage des animaux.
« Cette étude contribue non seulement à comprendre le contexte environnemental des processus d’une importance fatidique dans l'histoire humaine, tels que les débuts de la sédentarisation et la transition vers l'agriculture, mais elle fournit également des informations sur l'histoire de la végétation dans la région et sa réaction aux changements climatiques dans le passé. A la lumière des débats de la récente Conférence de Glasgow, il ne fait aucun doute que ces informations pourront aider à préserver la diversité des espèces et à se préparer aux défis climatiques présents et futurs ».
Photos:
1. Au milieu de l'article à droite: Le site archéologique Jourdain-Dureijat, sur les rives de l'ancien lac du Hula (Crédit : Prof. Gonen Sharon, Tel Hai Academic College).
2. Le Dr. Dafna Langgut (Crédit : Sasha Flit, Université de Tel-Aviv).
3. Le Dr. Dapfna Langgut recueille des échantillons de sédiments (Crédit : Prof. Gonen Sharon)