Un colloque international sur une question jusque-là pratiquement méconnue : « Les soldats juifs pendant la deuxième guerre mondiale », organisé par le Centre Goldstein-Goren de Recherche sur la Diaspora, le Centre Kantor pour la recherche sur le judaïsme européen contemporain et le Musée du soldat juif de Latroun, s’est tenu à l’Université de Tel-Aviv du 8 au 10 décembre.
L’initiative en revient au Dr. Simha Goldin, directeur du Centre Goldstein-Goren et professeur au Département d'histoire d'Israël de l’UTA, fils d’un soldat juif ayant servi dans l’armée polonaise et père du Lieutenant Adar Goldin, tombé héroïquement pendant l’opération Bordure protectrice en août dernier. Y ont participé des spécialistes de premier plan des grandes universités en Israël et dans le monde, notamment les Prof. Derek Jonathan Penslar de l’Université d’Oxford en Grande-Bretagne, Zvi Gitelman de l’Université du Michigan, Aya Ruzycki de l’Université Umboldt de Berlin, l’historien Oto Luthar, directeur du Centre de recherche scientifique de l’Académie des Sciences de Slovénie, et le Prof. Dina Porat, directrice du Centre Kantor et historienne en chef du Yad Vashem.
Un million et demi de soldats juifs dans les armées alliées, 250 000 morts au combat
Au cours du colloque ont été révélé des chiffres impressionnants sur la participation des Juifs à l’effort de guerre, dans toutes les armées des forces alliées, tous les corps d’armées à tous les niveaux de la hiérarchie militaire. Un million et demi de soldats juifs ont participé aux combats, dont 500 000 dans l’armée américaine et 500 000 dans l'Armée rouge, deux cent cinquante mille y ont perdu la vie, 36000 ont reçu des distinctions militaires de l’armée américaine, 160 000 ont été décorés dans l’Armée russe et 150 ont eu droit au prestigieux titre de Héros de l'Union soviétique.
Lors de la session d’ouverture, le Dr. Goldin a annoncé la découverte par le Centre qu’il dirige d’un fond d’archives impressionnant de lettres écrites par des soldats juifs ayant servi dans l'armée russe, qui fourniront la matière première pour une recherche plus avancée sur la contribution des Juifs à l'effort de guerre des Alliés. Le Prof. Aaron Shay, recteur de l’Université, a présenté la figure étonnante de Jacob Rosenfeld, plus connu sous le nom de Général Luo, Juif né en Autriche-Hongrie qui prit la fuite vers le ghetto de Shanghai après l’Anschluss et devint un héros de l’armée communiste chinoise. Enfin le Général Gershon Hacohen a présenté l’héritage des soldats juifs de la deuxième guerre mondiale et son influence sur l’esprit de l’actuelle armée de Défense d’Israël, qu’on pourrait résumer par le chant des Partisans « Ne dis jamais ceci est mon dernier chemin ».
Une "guerre juive"
Lors de la conférence inaugurale du colloque, le Prof. Penslar a présenté la seconde guerre mondiale comme une « guerre juive ». Au cours des six sessions du colloque, ont été exposés les aspects concernant la participation des Juifs dans la résistance en Yougoslavie (Prof. Luthar) et en France (Dr. Tsilla Herscho de l’Université Bar-Ilan et Dr. François Ouzan du Centre Goren-Goldstein) ; la littérature et la correspondance comme sources historiques (présentation de la recherche du Centre Goren-Goldstein sur les lettres des soldats pendant la guerre par le Dr. Leonid Smilovitsky, et de la littérature hébraïque de la période par les Dr. Uri Cohen et Raquel Stepak de l’UTA) ; les récits personnels ; les soldats juifs dans l’Armée Rouge, par les Prof. Zvi Gitelman et Aya Ruzycki, et Kiril Feferman du Centre russe sur l’Holocauste ; la scène moyen-orientale, par le Dr. Haim Saadoun (Université ouverte et Institut Ben-Zvi), Astrid Zajdband de l’Université du Sussex et Dr. Anat Granit-Hacohen (UTA). Enfin l’ex-Général de Brigade Zvi Kan-Tor a présenté le nouveau Musée du soldat juif pendant la seconde guerre mondiale situé à Latroun.
Lors de la session de clôture du colloque, les chercheurs (Dr. Tamar Tetko de l’Ecole de formation des enseignants Seminar Hakibbutzim et le Prof. Dina Porat) ont insisté sur l’importance de faire connaître et d’enseigner cet aspect juif de la seconde guerre mondiale, beaucoup moins connu que celui des victimes de l’Holocauste, ou des révoltes et des partisans. Soixante-dix ans après la fin de la guerre, « il est grand temps de rendre à ce million et demi de soldats juifs des armées alliées l’attention et le respect auxquels ils auraient dû avoir droit depuis longtemps » a conclu le Prof. Porat.