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Israël et les Palestiniens : un appel au réveil - Webinaire à l’Université de Tel-Aviv

Lors d’un webinaire organisé par l’Université de Tel-Aviv et ses associations d’amis dans le monde le mercredi 19 mai 2021, en plein pendant l’Opération « Gardien des murailles », le Prof. Asher Susser, professeur émérite de l’Université de Tel-Aviv, ancien Directeur du Centre Dayan pour les études sur le Moyen-Orient, a abordé avec une grande clarté et beaucoup de réalisme la brûlante question des relations entre Israël et les Palestiniens, remise à l’ordre du jour par la dernière flambée du conflit. La conférence était présentée par Amos Elad, Vice-Président de l’Université pour le développement et les affaires publiques.

Webinar isral pal susser« Après le Covid-19, une nouvelle surprise a affecté notre pays sous la forme de milliers de roquettes lancées de la Bande de Gaza, et nous a renvoyé à l’enseignement à distance », a relevé celui-ci. « Nous considérons l’Université de Tel-Aviv comme un melting pot, rassemblant tous les éléments de la population israélienne. Malheureusement, nous vivons de très tristes et douloureux moments avec les émeutes dans les villes mixtes ou Juifs et Arabes vivent ensemble, mettant la société et la démocratie israéliennes en danger. Nous vous remercions pour tout l’amour, l’aide et le soutien que vous nous envoyez du monde entier ».

"Le conflit entre Israël et les pays arabes est essentiellement terminé"

« Votre présence, même virtuelle, en plein cœur du conflit, dit votre identification avec nos difficultés », ajoute à son tour le Prof. Susser. Selon lui, Israël est engagé depuis plusieurs décades dans un triple cycle de conflits : le premier, avec les pays arabes, le second avec les Palestiniens sur la rive occidentale du Jourdain et dans la Bande de Gaza, et enfin la tension entre Juifs et Arabes en Israël-même qui s’est exprimée récemment sous sa forme la plus aigüe.

Le Prof. Susser explique que le conflit entre Israël et les pays arabes est essentiellement terminé, se soldant par des accords territoriaux avec les Etats voisins, et l’été dernier la normalisation des relations avec les Emirats arabes unis, Bahrein et les Etats du Golfe, suivie de l’accord avec le Maroc et le Soudan.

Webinar isral pal amosCependant, selon lui, l’importance de cette normalisation récente avec des pays avec lesquels Israël n’a jamais eu de litige territorial a été largement surévaluée, et ne doit pas faire oublier la deuxième dimension du conflit, celui avec nos voisins Palestiniens. A la différence de l’antagonisme avec les Etats arabes, qui remontait à 1967, et a pu être réglé par des négociations territoriales, le conflit avec les Palestiniens remonte à 1948, et il peut se diviser en deux parties : le droit au retour des réfugiés, et la place de la minorité arabe dans l’Etat juif. « Il s’agit de l’existence même de l’Etat », dit le Prof. Susser. « Israël ne peut pas négocier sa création, c’est ce qui rend la question palestinienne beaucoup plus difficile à résoudre ».   

Une "guerre des narratifs"

Il s’agit, explique-t-il, d’une « guerre des narratifs ». « Le narratif d’Israël va de l’Holocauste à la rédemption. Pour nous, Israël est ce grand acte miraculeux d’une auto-détermination et d’une auto-défense historiques du peuple juif contre son destin. Le projet d’Israël est de protéger le peuple juif. Dans le narratif arabe, au contraire, la création de l’Etat d’Israël n’est pas un acte d’auto-défense mais d’agression. C’est ainsi qu’ils considèrent l’ensemble du projet sioniste depuis l’établissement du premier village juif. Loin d’être ce grand acte de justice historique que nous y voyons, Israël est pour eux l’incarnation de l’injustice et de la dépossession. Un Palestinien est celui qui s’identifie avec l’idée de 1948 comme cette grande injustice historique. Ce qui explique qu’aucun accord n’a pu jusqu’à présent être atteint entre Israël et les Palestiniens, et ne le sera probablement pas de sitôt. Le gouffre de méfiance n’a jamais été comblé. C’est pourquoi lorsque nous négocions avec les Palestiniens, nous ne sommes jamais certains de ce qu’ils veulent en fin de compte : leur indépendance sur la rive ouest du Jourdain et à Gaza ou bien le retour en arrière avant 1948 et la remise en cause de l’existence d’Israël ».

Cependant même si la confiance n’a jamais été établie, la réalité existe sur le terrain et ne peut être reniée. « Sur l’ensemble du territoire d’Eretz Israël, de la Méditerranée au Jourdain, il y a six millions et demi à sept millions de Juifs et autant d’Arabes, y compris ceux de Gaza, d’Israël et de la Rive occidentale », relève le conférencier. Le projet sioniste, explique-t-il, était basé sur de nombreuses hypothèses, dont beaucoup étaient justes, mais dont deux se sont avérées irréalistes : l’idée que la grande majorité des Juifs d’Europe de l’Est viendraient s’installer en Israël dès qu’ils le pourraient ; et la présupposition que les Arabes acquiesceraient au projet sioniste parce qu’il leur apporterait la modernité, le progrès européen et le bien-être. Or la majorité des Juifs d’Europe de l’Est ont émigré vers d’autres pays de la Diaspora, et les Arabes, pour leur part, ont choisi de résister et de s’engager dans la voie du conflit. « Les Juifs n’ont jamais pu établir une majorité en Palestine, et sur l’ensemble du territoire d’Eretz Israël : c’est pourquoi nous avons dû accepter le plan de partition ». Cependant, à cause de la résistance arabe, la partition n’a jamais été synonyme de paix.

Les Arabes israéliens: deux tendances contradictoires

Selon le Prof. Susser, le retrait d’Israël de la Bande de Gaza en 2005, s’explique également non par le désir d’Ariel Sharon de faire la paix, mais par sa crainte qu’Israël perde sa majorité juive en s’annexant deux millions et demi d’Arabes. Cependant, le retrait de Gaza a amené le Hamas; c’est pourquoi Israël n’est pas pressé de se retirer de la rive occidentale. Selon le Prof. Susser, les accords d’Oslo ont échoué. De la rive occidentale sont venus les attentats suicides qui ont causé plus de morts en Israël que toutes les roquettes du Hamas. C’est pourquoi nous sommes encore aujourd’hui en situation de statu quo sur les territoires de la Rive occidentale.

Cependant, pour le conférencier, cette situation, qui signifie l’élimination de fait de la ligne verte qui existait entre Israël et la Cisjordanie entre 1948 et 1967, a abouti à une réalité d’un seul Etat, et à la fusion des Palestiniens en un seul peuple unifié, les Arabes d’Israël se considérant comme faisant partie du peuple palestinien.

Logo MDC ENGLISHParmi les Arabes israéliens, explique-t-il, il y a deux tendances contradictoires : d’une part un désir croissant de s’intégrer à l’Etat d’Israël sur un pied d’égalité au niveau de l’éducation et de la force de travail. « 20% de la population du pays est arabe. C’est également le cas du personnel des hôpitaux et des services de santé, qui a été en première ligne pendant la lutte contre le covid-17, aux côtés de leurs collègues juifs. C’est pourquoi tous les partis parlent aujourd’hui d’une possible coalition avec les partis arabe au sein du gouvernement, idée qui n’était jamais apparue auparavant ».

Mais si l’idée d’intégration est plus forte que jamais, se développe en parallèle un courant grandissant en contradiction totale qui appelle à l’élimination de l’Etat juif. La loi « Israël – Etat nation du peuple juif », adoptée par la Knesset en 2018, éliminant la notion d’égalité entre tous existant dans la déclaration d’indépendance du pays, a été ressentie par les Arabes israéliens comme une exclusion. Les déclarations des députés d’extrême-droite come Bezalel Smotrich accentuent ce sentiment. De même les efforts des organisations juives nationalistes pour racheter des propriétés dans les villes mixtes où Arabes et Juifs vivent ensemble, dans le but de préserver leur caractère juif, sont également ressentis par les Arabes comme un effort pour les pousser dehors. C’est le même phénomène qui se produit dans le quartier arabe de Cheikh Jarrah à Jérusalem, où des groupes religieux juifs d’extrème-droite tentent de récupérer des propriétés d’avant 1948.

Où allons-nous à long terme ?

Comme l’explique le Prof. Susser, ce sont les évènements de Cheikh Jarrah qui ont servi de déclencheur à la flambée actuelle du conflit : « La revendication des propriétaires juifs de Cheikh Jarrah pourrait être raisonnable, le problème étant que les Arabes d’Israël ne peuvent pas récupérer des propriétés d’avant 48, ce qui créé des tensions. Celles-ci se sont étendues au Mont du Temple et aux altercations avec les policiers pendant le mois du Ramadan, C’est alors qu’est intervenu l’ultimatum du Hamas, dans le cadre des luttes politiques internes des Palestiniens et de la compétition entre le Hamas et l’Autorité palestinienne. Après l’annulation par Mahmoud Abbas des élections sur la rive ouest de crainte d’un succès du Hamas, le Hamas a voulu reprendre le leadership dans la lutte pour Jérusalem. Israël a évidemment rejeté l’ultimatum du Hamas, et les roquettes ont volé sur Jérusalem, amenant à la situation actuelle ».

L’issue de cette flambée du conflit était une fois de plus claire, Israël étant capable d’infliger au Hamas des coups beaucoup plus importants que ceux que celui-ci lui peut porter. Le Prof. Susser pose alors la question : Où allons-nous à long terme à Gaza, sur la Rive ouest et surtout avec la minorité arabe en Israël ? Devons-nous considérer Gaza comme un territoire habité par deux millions de personnes, ou comme le siège du Hamas ? « Le Hizbollah au Liban est beaucoup plus puissant que le Hamas et beaucoup mieux armé », affirme le Prof. Susser. « Pourtant nous avons le calme sur la frontière libanaise depuis quinze ans. Cela s’explique car le Hizbollah a beaucoup plus à perdre que le Hamas : le Liban est un Etat avec une économie, des usines, un aéroport etc. Un conflit avec Israël pourrait lui causer d’énormes destructions ; et nous sommes également conscients des pertes qu’ils pourraient nous causer. Gaza par contre, n’a rien à perdre. Elle vit au bord du désastre humanitaire. Gaza a fait de mauvais choix. Lorsqu’Israël s’en est retiré en 2005, elle aurait pu se transformer en Singapour. Au lieu de cela elle est devenue une base de lancement contre Israël. Si Gaza avait une économie et ses habitants une vie normale, elle aurait quelque chose à perdre. C’est pourquoi la reconstruction de Gaza est de l’intérêt d’Israël qui doit l’organiser avec les institutions internationales pour ne pas laisser le Hamas y reconstruire pas ses propres infrastructures ».

Sur la rive occidentale, nous devons reprendre les pourparlers avec l’autorité palestinienne qui ont été interrompus depuis des années. « Israël a préféré stabiliser le Hamas à Gaza plutôt que de négocier avec l’Autorité palestinienne et de prendre des décisions difficiles. On doit admettre que les chances d’un accord avec l’Autorité palestinienne sont très lointaines.  C’est pourquoi, d’après le Prof. Susser, nous  devons avoir un plan B : « repenser le contrôle sur la rive occidentale, envisager un retrait graduel de certaines zones, une démilitarisation, repenser la situation des Arabes de Jérusalem-Est qui n’ont jusqu’à présent aucune nationalité. Et surtout, repenser la situation des Arabes en Israël et leur intégration. C’est un appel au réveil. La décision de ne pas décider que nous avons adoptée depuis 1967 est mauvaise. La normalisation avec les Etats du Golfe et Bahrein n’est pas une alternative. Ne pas voir les Palestiniens est un aveuglement qui peut coûter la vie d’Israël. Israël est un énorme succès sous de nombreux aspects. Mais nous devons nous confronter à la réalité et prendre des décisions courageuses ».

 

Photos: 

Captures d'écran pendant le webinaire.

 

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