Après les massacres barbares du Hamas palestinien dans le sud d'Israël, le Prof. Frédéric Encel, maitre de conférences à Sciences Po Paris et professeur de relations internationales à la Paris School of Business, a donné le mercredi 25 octobre, une visioconférence organisée par l'Association française et l'Association francophone de l'Université de Tel-Aviv, tirant les premières leçons de l'attaque sauvage qui a ravagé le sud du pays. La conférence était présentée par le Prof. François Heilbronn, Président de l'Association française, qui l'a introduite par le poignant récit de son témoignage sur le récent voyage de solidarité qu'il vient d'effectuer en Israël en compagnie du comité directeur du CRIF et des dirigeants de la communauté juive française.
« Je voudrais exprimer à tous nos amis en Israël toute notre solidarité, notre émotion et notre fraternité face aux épreuves si cruelles et vibrantes qu'ils vivent depuis le 7 octobre », a déclaré le Prof. Heilbronn, qui a demandé à l'assistance de se recueillir pour une minute de silence « en mémoire des toutes les victimes des horribles massacres commis par les tueurs, égorgeurs, violeurs du Hamas palestinien et de leur barbarie innommable ».
« Une barbarie jamais vue »
En préambule de la conférence, le Prof. Heilbronn a résumé le voyage de solidarité et de témoignage de deux jours qu'il vient d'effectuer en Israël en tant que membre du comité directeur du CRIF. « Nous avons souhaité venir, avec tous les présidents des associations communautaire juives françaises, pour dire à nos frères et sœurs d'Israël "Vous n'êtes pas seuls, nous sommes de tout cœur avec vous". Il y a une mobilisation formidable en France, toutes générations confondues, par tous les moyens à notre disposition, pour faire connaitre la vérité ».
La délégation, raconte le Prof. Heilbronn, a tout d'abord été reçue par le nouvel Ambassadeur de France en Israël, Frédéric Journès « très chaleureusement », l'Ambassadeur faisant preuve d'empathie, d'écoute et de sympathie à l'égard d'Israël, des Israéliens et de ce qu'ils traversent. « Il était très ému, car il doit gérer l'extrême-urgence : les victimes françaises, les Français et franco-israéliens otages du Hamas à Gaza, et les demandes de quelque 3 000 franco-israéliens et Français du sud d'Israël, des villes d'Ashdod, Ashkelon ou Sderot souhaitant retourner en France, dont le voyage a été entièrement pris en charge par le gouvernement français et l'Ambassade de France. L'Ambassadeur nous a dit également l'importance de la solidarité franco-israélienne. Il s'identifie complètement à la souffrance des Israéliens ».
La délégation s'est ensuite rendue dans la base militaire de Shura, où on leur a présenté les 20 containers réfrigérés contenant plus de cent-cinquante corps de victimes des massacres non identifiées, enveloppés dans des linceuls. « Des morceaux d'êtres humains, des corps calcinés, des enfants enlacés brûlés, des têtes décapitées », raconte le Prof. Heilbronn avec émotion. « Et puis, il y avait l'odeur, une odeur terrible. Le Rabbin Haim Weissberg, rabbin légiste de la base, nous a affirmé qu’en 20 ans d’armée, il n’avait jamais vu une telle barbarie, une telle violence, un tel acharnement bestial sur les victimes et leurs corps. Nous nous sommes recueillis, nous avons lu le psaume 122 puis prononcé le kaddish devant ces corps martyrisés non identifiés ». Le Prof. Heilbronn signale au passage le travail remarquable du Département de dentisterie de l'Université de Tel-Aviv, pour l'identification des victimes à partir des empreintes dentaires.
« Femmes et fillettes violées menottées, égorgées, parfois brûlées »
La deuxième étape du voyage a amené les membres de la délégation dans le sud du pays pour visiter le kibboutz martyr de Kfar Aza, à 800 mètres de Gaza, où ils ont rencontré le colonel Golan Vach, qui dirige une unité de recherche et de sauvetage, le lieutenant-colonel Eitan Dana Picard d'origine française, ainsi que des soldats qui leur ont décrit les massacres et batailles, maison par maison. Ce kibboutz qui comptait 700 habitants à la veille du massacre du 7 octobre, créé dans les années cinquante par des socialistes souvent pacifistes, comme la plupart des kibboutz d'Israël, et a été l'une des premières cibles de l'attaque du Hamas. A 6h.30 du matin, le kibboutz a été attaqué par des tirs de roquettes et de missiles, puis envahi par 150 terroristes sur des jeeps armées de mitrailleuses lourdes et de RPG, qui ont attaqués maison par maison, massacrant les habitants réfugiés dans les abris, dont des familles entières, femmes et fillettes violées menottées, égorgées, parfois brûlées. Le kibboutz a eu 70 victimes, 7 otages et 13 disparus, et après des dizaines de cas d'horreurs et d'héroïsme, a été repris par l'armée israélienne au terme de plus de 25 heures de combat. « Voilà les histoires que nous avons entendues et que nous avons en nous », commente le Prof. Heilbronn. « Revenus en France, déchirés et bouleversés, nous avons rapporté ces histoires lors d'une grande soirée à l'Assemblée nationale, organisée par la Présidente de l'Assemblée, qui avait fait la veille le même circuit que nous, et a témoigné devant les députés et responsables politiques français ».
La délégation a ensuite eu l'occasion de rencontrer trois familles de franco-israéliens dont les membres sont détenus en otages par le Hamas : Hadar Djaoui dont la grand-mère a été assassinée avec sa petite-fille autiste, et dont les deux enfants de 12 et 16 ans ainsi que son ex-mari ont été enlevés par le Hamas; un père dont le fils de 19 ans, Ron, a été enlevé; et un jeune franco-israélien, Daniel Toledano, dont le frère a été capturé au Festival de musique Nova. Les familles ont raconté leur histoire, exprimé leur douleur et leur émotion, et demandé aux membres de la délégation d'apporter leur témoignage en France pour les aider à intervenir en faveur des otages.
« Nous sommes revenus tous bouleversés mais aussi admiratifs de la solidarité et de la force d'Israël, car ce que nous avons vu, au-delà de ces trois moments prégnants, c'est une nation en arme, un peuple debout, d'une solidarité extraordinaire. La société israélienne est unie et fraternelle et se bat pour faire justice et surtout arrêter la menace terrible que fait peser cette organisation terroriste aux frontières d'Israël, et qui l'a si douloureusement frappé », conclut le Prof. Heilbronn.
Plus de 10 000 étudiants de l'Université de Tel-Aviv sont sous l'uniforme
Celui-ci a également longuement rencontré Amos Elad, Vice-Président de l'Université de Tel-Aviv pour les ressources, qui lui a fait un point détaillé de la situation de l'Université et des implications de la guerre pour toutes ses instances. « L'UTA a souffert dans sa chair. Plus de 50 membres de sa communauté ont trouvé la mort depuis le début de l'attaque. De plus, samedi soir, jour même des attaques, 5 000 étudiants et étudiantes ont été appelés au combat sur les 30 000 de l'Université. Dans les jours qui ont suivis, d'autres ont été appelés dans des positions de réserve importantes de logistique de deuxième ligne. Soit en tout plus de 10 000 étudiants de l'Université de Tel-Aviv sont sous l'uniforme. Cela pose des problèmes terribles pour leur famille et pour la suite de leurs études. C'est pourquoi l'Université a créé un fonds d'urgence avec deux objectifs : financer des bourses d'urgence pour aider les étudiants combattants à reprendre leurs études par la suite, et assister les étudiants du sud du pays, dont des membres de la famille ont été tués ou dont les parents ont perdu leur travail, et qui sont réfugiés dans la région de Tel-Aviv. Jusqu'à présent nous avons collecté en France plus de 120 000 euros ; l'objectif est de 200 000. Les liens pour effectuer les dons sont au bas de cet article. Soyons aux côtés de ces étudiants qui sont prêt à aller jusqu'au sacrifice suprême ».
« Par ailleurs, le Département de psychologie de l'Université, qui est le meilleur d'Israël, possède une unité spécialisée dans la recherche sur le post-trauma. Un fonds à cet effet avait été créé par notre regretté Gouverneur Woolf Marmot, fervent donateur du Département pendant 30 ans. Des initiatives du Département ont été déployées très rapidement dans le sud du pays pour aider les enfants à faire face aux traumatismes. Le deuxième objectif de notre fonds d'urgence est de les aider dans leur démarche et dans leur travail »
« Une troisième initiative superbe de l'Université de Tel-Aviv a fait la première page du Monde : les photos de plus de 1.000 Israéliens disparus, enlevés ou assassinés par le Hamas ont été exposées sur les sièges vides de l'auditorium Smolarz sous le titre : "Unis contre le terrorisme" ».
« Il n'y a pas d'infaillibilité »
« Enfin, une partie des fonds collectés serviront à un programme exceptionnel de l'Université de Tel-Aviv et de son Département d'histoire pour récupérer les témoignages des familles des victimes, des otages, des témoins des attaques, et des soldats qui ont réussi à contenir héroïquement les quelque 3 000 terroristes entrés par surprise dans le pays. Il s'agit de récupérer tous ces documents numériques qui risquent de disparaitre, les enregistrer, les sauvegarder, les archiver et les cataloguer pour garder la trace de ce 7 octobre 2023, qui restera un jour sombre de l'histoire d'Israël et du peuple juif ».
Le Prof. Heilbronn présente ensuite le conférencier, le Prof. Frédéric Encel, qui apporte depuis le 7 octobre un éclairage sur les évènements et les enjeux géopolitiques de cette conflagration au Proche-Orient dans les media français, a réalisé 56 interventions seulement la semaine dernière, et a été auditionné par différents ministres et commissions, notamment au Sénat.
Première « leçon » à tirer de l'entrée meurtrière du Hamas en Israël, selon le Prof. Encel : il n'y a pas d'infaillibilité : « Comme en 1973, une commission d'enquête établira les failles derrière cet échec. Les Israéliens ont eu le tort de se croire infaillibles, or la mésestimation de l'adversaire est l'une des erreurs les plus graves et les plus couteuses en géopolitique ».
« le pire pogrom subi par le peuple juif depuis les marches de la mort en 1945 »
Deuxième point mis en exergue par le conférencier : on ne peut faire confiance à la pure technologie, ne serait-ce que parce que l'autre partie s'y adapte. « Les hommes sont les remparts de la cité. Les Israéliens sont condamnés à entrer dans la Bande de Gaza en passant par le sol. Depuis le début, Israël est resté fort parce qu'il investit sur l'élément humain. On ne peut pas faire confiance à la seule technologie »
Troisième erreur commise par Israël : le fait de mésestimer le caractère religieusement fanatique du Hamas. « Ce ne sont pas des pragmatiques, et c'est une erreur de penser qu'on peut parvenir à un quelconque 'arrangement' avec eux », dit-il. A l'appui le son propos, il cite la fable bien connue du scorpion et de la grenouille : un scorpion, qui ne sait bien sûr pas nager, demande à une grenouille de le transporter sur l'autre rive d'une rivière ; celle-ci d'abord effrayée, finit par accepter en vertu d'un raisonnement logique : si le scorpion me pique au milieu de la traversée, nous périrons tous les deux. Or le scorpion la pique quand même, en s'excusant : « Désolé, c'est dans ma nature ». « La nature du Hamas est une nature fanatique au dernier degré », relève le conférencier. « Par ses assassinats, il a réalisé un court bénéfice immonde, une victoire tactique, qui est en fait une défaite stratégique puisqu'elle va lui couter la vie. Le Hamas, comme Daesh, et comme avant eux le régime d'Hitler ou de Mussolini, sont des régimes de nature apocalyptiques, et c'est une erreur d'avoir cru naïvement qu'il allait se contenter de la manne qu'on lui offrait sous forme de l'aide internationale humanitaire qu'il détournait. L'erreur des derniers gouvernements d'Israël a été de croire qu'il s'en contenterait et continuerait en échange de gérer une guérilla à faible intensité. Avec les massacres du 7 octobre, le Hamas a été jusqu'au bout de sa nature fanatique, réalisant le pire pogrom subi par le peuple juif depuis les marches de la mort en 1945 ».
« La conséquence du pogrom va être l'union de la nation israélienne »
Quatrième constat du Prof. Encel : Israël va faire le « sale boulot » souhaité par tous les Etats arabes modérés de la région, comme l'Egypte, la Jordanie ou les Emirats Arabes Unis, bien qu'ils le critiquent ouvertement pour cela : détruire militairement le Hamas. C'est le cas également des Etats européens et des Etats-Unis : « Aucun des chefs d'Etat qui se sont succédé en Israël depuis le 7 octobre n'ont demandé au gouvernement israélien de ne pas investir militairement la bande de Gaza. Tout le monde exige qu'Israël respecte le droit humanitaire, mais personne n'a demandé que la riposte au sol au pogrom du Hamas ne se fasse pas. Comme si les démocraties occidentales commençaient à comprendre ce qu'est la nébuleuse islamiste radicale dont le Hamas n'est que l'un des maillons ».
Pour en revenir à Israël, le Prof. Encel signale que jamais, depuis son premier voyage en 1986, il n'a ressenti une telle détermination, une telle unité, une telle rage en termes de revanche de la part des Israéliens, allant de Shalom Ahchav à l'extrême gauche aux Orthodoxes qui jusque-là rejetaient le sionisme et l'Etat d'Israël, en passant par toute la population qui apporte sa contribution chacun à son niveau. « La conséquence du pogrom va être l'union de la nation israélienne, ce qui n'est pas du luxe au regard de ces derniers mois et même de ces dernières années. Si le gouvernement israélien a mésestimé le Hamas, celui-ci de son côté à mésestimé la société israélienne et la puissance de son sentiment de solidarité. Il est possible que les Iraniens reprochent au Hamas d'avoir commis une erreur stratégique en allant trop loin dans l'horreur ».
Les Etats-Unis et l'Union européenne diplomatiquement derrière Israël
Enfin, un dernier constat concernant l'Europe et en particulier la France : selon le conférencier, l'antisionisme radical de l'Europe et de la France depuis Pompidou dans les années 70 a disparu. « Les Premiers Ministres de France, d'Allemagne et d'Angleterre sont venus en Israël en signe de solidarité. Cela relève d'une nouvelle réalité géopolitique. Il en va de même de l'Europe centrale, en particulier la République tchèque. Aujourd'hui l'Union européenne est diplomatiquement derrière Israël. Macron parlant en direct aux Français à une heure de grande écoute et appelant à une grande coalition contre le Hamas, comme ce fut le cas contre Daesh, exprime cette politique générale d'empathie. On ne pensait pas qu'il irait si loin dans la stigmatisation du Hamas ».
Le conférencier termine sur le soutien des Etats-Unis à Israël, affirmant qu'il n'a jamais cru au retrait américain du Moyen-Orient : « Les Américains n'ont pas abandonné la moindre base militaire au Moyen-Orient. De plus, les Evangéliques, qui soutiennent Israël pour des raisons théologiques, représentent 96 millions d'Américains. Joe Biden est à la droite du Parti démocrate, la famille politique américaine la plus favorable à Israël. Enfin, l'opinion publique américaine demeure favorable aux alliances avec les démocraties ».
Les photos proviennent du voyage de la délégation du CRIF en Israël (Avec l'aimable autorisation de François Heilbronn)
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